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22 juin 2012

Yeux ouverts, fermés devant le gouffre

Deux nouveaux poèmes de Claudio Willer :

De CINÉMA

I
    POUR CARLOS REICHENBACH, APRÈS AVOIR VU UN DE SES FILMS

    Enseigner/apprendre à regarder
    c'est ne pas avoir peur des symboles
    voir le monde avec des yeux de cinéaste
    voir le cinéma avec des yeux de poète
    savoir que la force des opérations magiques
                                            réside dans leur répétition
    et que le haut est en fait le bas et le mal extrême le bien
    savoir qu'il a toujours été là - juste ça - un fil sur le gouffre
    et le traverser c'est la même chose

                                            que parcourir la ville
                                                                         au hasard

    et que le plein est le vide
    parce que dans le cinéma aussi
    il y a des sorciers
    enceints d'images
    explosant en métaphores et en visions
    faisant parler le langage
                                            à travers les couleurs
    montrant comment trouver
              les pistes des chemins parmi les souterrains


       POÉSIE PICTURALE, VISUELLE : SYMBOLOGIE DE L'EAU
 
Quand la plage où vous êtes est ressentie comme réelle uniquement parce que cela vous rappelle clairement les odeurs, la clarté et les bruits d’une autre plage où vous avez déjà été il y a longtemps
quand rien ne reste plus sauf l’impression que vivre est inutile et que mourir est quelque chose de complètement idiot.
filtrée par une sensation de sublime, d’avoir les pieds sur la terre
ou peut-être
quand je suis rentré chez moi, très tôt le matin, j’ai eu l’impression que s’ouvrait devant moi un gouffre, passage vers un autre plan où se rencontrent les rues Pernambuco, Rio de Janeiro et le square Villaboim, et ceci m’a fait réaliser que jusqu’à ce jour je n’ai rien fait d’autre que suivre les pas de ma propre mort,
quand la vie n’est rien d’autre qu’un prétexte :
alors, sélectionner pour publication ce qui est le plus étrange, anguleux, géométrique mais sans être d’équerre, et qui peut être récité sur un ton tout à fait innocent, presque surpris, simulant quelqu’un faisant semblant de croire à ce qu’il dit.

(Traduction : Madeleine Favre)

1 mars 2012

NOUS SURVIVRONS

Dans le premier numéro de notre revue, nous présentons Claudio Willer, barde brésilien qui se veut héritier des surréalistes et d’Allen Ginsberg. 

La place manquant pour publier dans notre « petite feuille France » toutes les traductions de poèmes de Claudio Willer dont nous disposions, nous voudrions faire profiter ici de trois pièces supplémentaires : :

 
LA PLAGE DANS L’ILE
 
c’est comme ça que j’aime : personne alentour
juste le matelas de sable doux
étalé entre les dunes
où les efforts pour marcher
transforment les pas en mouvements courbés
vers le chaudron
où se débat le cordage fumant
labyrinthe de convulsions
vide traversé de spasmes
nœud de tentacules d’écume, de courant polaire
et les mains de la glace
qui serrent la gorge et glissent sur le ventre
flammes de mer, crochets enfoncés dans le dos
pour nous traîner au fond
   pénétrer dans cet abîme
c’est naviguer sur le dos de la mort
transformer la conscience
en carrefour de tourbillons  –
mais, pourtant
nous ne sommes pas d’ici
nous venons de très loin
pour trouver la dernière plage déserte
sur la côte océanique de l’île
encerclée de murailles de vent et de clarté
où des couvertures d’embruns
s’étalent sur nos corps
doucement adossés
          sur la peau dorée du temps

(Traduction : Luciano Loprete)

 
JE M’APPROCHE
je traverse un filtre d’embruns
je recueille des ondes la symétrie de ce poème
des nuages se déchirent dans un dernier combat de couleurs
tandis que la mer
                            (rivière plus indomptable)
respire pesamment
en me dépassant
avec la lenteur solennelle des processions de barques 
                                                                [religieuses
déployant sa couverture de nuit
étouffant dans le fond les feux
allumés aux clairières où les noyés essayent de 
                                           [réchauffer leurs mains
la présence humaine est murmure et solitude
il ne reste que ces deux cargos
ombres découpées sur le lointain
deux bateaux          –               deux points
voix solitaires insignifiantes et nulles
plongeant dans le vide grisâtre
et ce voilier
tache agitée sur une carte de négations
glissant rapide vers son heure nocturne
l’humain recule une fois pour toutes
maintenant tout est distance et vide
mots et paysage se dissolvent
il ne reste plus que l’autre
tout ce que l’on n’est pas
tout ce qui nous paraît étrange
comme un texte
creux de mémoire vive
trame obscure des rendez-vous amoureux
le négatif de notre monde de coordonnées terrestres
avec son sourd murmure de sources innombrables 

(Traduction : Luciano Loprete)


VISITEURS 4

notre espace
                            est l’espace du terrible
le marécage
                   balayé par des vents tièdes
traversant le chant des roseaux
et la nuit définitive                      et le cri pétrifié
pénétrons lentement
dans ce jardin de refus
                                    où le mot cherche l’espace
il n’y a plus grand signe de vie
sur la face de cette planète
peut-être y a-t-il un lieu
où l’on entend encore le souffle du vent dans 
                                          [les arbres
des voix lointaines emplissant les vallées
des aboiements sur un versant perdu de 
                                          [montagne
devenons plante
racine
ou minerai brut
pour qu’il nous soit possible d’entretenir 
                                [des conversations

                                                                    NOUS SURVIVRONS

(Traduction : Rafael Lucas)

4 février 2012

Bibliographie de Claudio Willer

À l’intention des lecteurs qui ont apprécié les poèmes de Claudio Willer (Sao Paulo, 1940), poète, essayiste et traducteur, voici la liste de ses principales publications :

Um obscuro encanto: gnose, gnosticismo e poesia, Civilização Brasileira, Rio de Janeiro, 2010;

Geração Beat, essai, L&PM Pocket, Porto Alegre, 2009;

Poemas para leer en voz alta, traduction d'Eva Schnell, postface de Floriano Martins, Editorial Andrómeda, San José, Costa Rica, 2007;

Estranhas Experiências, poésie, Editora Lamparina, Rio de Janeiro, 2004;

Volta, récit, Iluminuras, São Paulo, 1996, 3e édition, 2004;

Lautréamont – Obra Completa – Os Cantos de Maldoror, Poesias e Cartas, édition préfacée et commentée, Iluminuras, São Paulo, 1997; 3e édition, 2008;

Uivo, Kaddish e outros poemas d'Allen Ginsberg, sélection, traduction, préface et notes, L&PM Editores, 1984; nouvelle édition revue et augmentée en 1999, nouvelle édition, 2010;

Crônicas da Comuna, anthologie de textes sur la Commune de Paris, textes de Victor Hugo, Flaubert, Jules Vallés, Verlaine, Zola et autres, Editora Ensaio, 1992, traduction;

Escritos de Antonin Artaud, sélection, traduction, préface et notes, L&PM Editores, 1983;

Jardins da Provocação, poésie, Massao Ohno/Roswitha Kempf Editores;

Dias Circulares, poésie, Massao Ohno Editor, 1976;

Os Cantos de Maldoror, de Lautréamont, traduction et préface, 1è édition, Editora Vertente,1970, 2e édition, Max Limonad, 1986;

Anotações para um Apocalipse, poésie et manifeste, Massao Ohno Editor, 1964.
       
Claudio Willer a aussi publié des essais sur le surréalisme, la poésie et la magie. Il a été traduit et publié au Costa Rica, en Allemagne, au Mexique, au Portugal, au Venezuela et en Colombie. En tant que critique, il a été collaborateur de plusieurs périodiques au Brésil et a été également co-éditeur de la revue Agulha, www.revista.agulha.nom.br , de 1999 à 2009. Voir aussi : TriploV, www.triplov.com et Cronópios, www.cronopios.com.br.

Il a participé à plusieurs films: Uma outra cidade (2000), documentaire d'Ugo Giorgetti; Antes que eu me esqueça(1977), de Jairo Ferreira; Inventário da Rapina (1984), de Aloysio Raulino; Filmedemência (1985), de Carlos Reichembach.

Plus d’infos : 

claudiowiller.wordpress.com